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Question de Mme Cécile Cukierman (Loire - CRCE-K) publiée le 28/03/2024

Question posée en séance publique le 27/03/2024

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, après un projet de loi de finances imposé par 49.3, après l'annonce d'une économie de 10 milliards sur la sphère étatique, sans passage devant le Parlement, le Président de la République, puis votre ministre de l'économie ont dans le viseur les collectivités locales. Certains murmurent même déjà l'arrivée de contrats de Cahors de nouvelle génération !

À l'heure où les maires soumettent au vote leur budget pour 2024, ces annonces inquiètent et sèment le trouble : l'avenir de nos collectivités territoriales semble de plus en plus incertain.

Depuis deux ans, ces dernières ont supporté les hausses du prix de l'énergie, que le filet de sécurité n'a jamais compensées ; la hausse de coût des matériaux, qui a fait s'envoler de plus de 20 % leurs projets initiaux, conçus au service des habitants ; la flambée des taux d'intérêt ; la hausse du point d'indice de leurs agents. Elles ont dû s'y adapter malgré des budgets contraints, aux marges de manoeuvre plus que restreintes quant aux recettes, à la différence de l'État.

Monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous de considérer les collectivités territoriales comme des supplétifs, face aux difficultés financières de l'État ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDSE et Les Républicains.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 28/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 27/03/2024

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Madame la présidente Cécile Cukierman, je suis moi-même élu local depuis dix ans, dans ma commune (Murmures sur les travées du groupe SER.), et pour ma part j'ai toujours refusé d'opposer l'État aux collectivités territoriales.

J'ai toujours refusé de pointer du doigt l'État, en tant qu'élu local, ou les collectivités et les élus locaux, en tant que représentant de l'État, pour au moins deux raisons : tout d'abord, parce que je connais le très grand esprit de responsabilité des élus locaux et, ensuite, parce que nous sommes tous dans le même bateau.

Quand on parle de la dépense publique, c'est bien la dépense de toutes les administrations publiques que l'on regarde. Si l'on veut prévenir une hausse supplémentaire des taux d'intérêt, c'est pour éviter que la charge de la dette ne s'aggrave encore pour l'État ; mais c'est aussi parce que l'on veut protéger les collectivités locales en préservant leurs capacités d'investissement. Si les taux d'intérêt devaient augmenter fortement, leurs projets d'investissement s'en trouveraient évidemment entravés. Nous avons donc collectivement intérêt à faire preuve de sérieux dans nos décisions budgétaires.

Pour ce qui concerne plus précisément l'exécution budgétaire de 2023, il faut regarder factuellement ce que nous dit l'Insee. Le ralentissement économique actuel est aujourd'hui d'ampleur européenne et, fort heureusement, la France est moins touchée que ses voisins. Je vous le rappelle, la prévision de croissance actualisée est revue à la baisse beaucoup plus fortement en Allemagne qu'en France, parce que l'économie française résiste mieux.

Toujours est-il que nous assistons à un ralentissement européen, qui se traduit par une diminution des recettes.

Ce que nous dit l'Insee, c'est que les collectivités territoriales ont connu un fort besoin de financement en 2023, parce que leurs recettes ont chuté, parce que des dépenses ont augmenté plus vite que l'inflation et parce que le point d'indice a été revalorisé.

Je le répète, je crois très profondément à l'esprit de responsabilité collective.

J'ai demandé à mon gouvernement de réunir les associations d'élus pour échanger et travailler avec elles, pour que nous avancions tous ensemble dans un esprit de responsabilité. Le 9 avril prochain, Bruno Le Maire, Thomas Cazenave, Christophe Béchu et Dominique Faure recevront ainsi leurs représentants.

Je ne crois pas qu'il soit judicieux d'agiter des épouvantails...

Mme Cathy Apourceau-Poly. Qui les agite ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Il n'est pas question de refaire les contrats de Cahors. L'enjeu, c'est de prendre acte collectivement d'une dégradation économique qui a entraîné des difficultés budgétaires au cours de l'année 2023 et d'y répondre collectivement. J'y insiste, je crois à l'esprit de responsabilité de tous.

Madame la présidente Cukierman, à vous entendre, nous considérons les collectivités territoriales comme des « supplétifs ». Je tiens, en réponse, à vous rappeler rapidement quelques faits.

Sur l'initiative du Président de la République, nous avons inversé la courbe de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Depuis deux ans, et pour la première fois depuis treize ans, cette dotation augmente de nouveau. (Murmures sur les travées du groupe SER. - M. Pascal Savoldelli s'exclame.)

M. Hervé Gillé. Et l'inflation ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. On peut évidemment en débattre ; certains feront valoir qu'elle aurait dû augmenter davantage. Il n'empêche, je le répète, qu'elle n'avait pas progressé depuis treize ans et que c'est bien sur l'initiative du Président de la République qu'elle a augmenté.

Je vous rappelle aussi que nous avons compensé à l'euro près nos réformes des finances locales. Je vous renvoie aux travaux réalisés, non par le Gouvernement, mais par la Cour des comptes : on a même compensé plus que prévu...

M. Jean-François Husson. On en reparlera !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Au total, à la fin de 2022, quelque 6 milliards d'euros supplémentaires avaient été accordés aux collectivités territoriales.

Enfin, je tiens à vous rappeler les dispositifs mis en oeuvre face aux différentes crises survenues : 10 milliards d'euros de soutien ont été déployés lors de la crise sanitaire ; plus de 2 milliards d'euros ont été accordés face à la hausse des factures d'énergie. Nous en avons beaucoup parlé ici et nous y avons travaillé ensemble.

En 2024, l'accompagnement de l'État ne faiblira pas. Ce dernier versera 60 milliards d'euros aux collectivités locales : c'est le deuxième poste de dépenses de l'État après l'éducation nationale.

Évidemment, nous sommes au rendez-vous et nous resterons à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, il ne s'agit pas d'opposer l'État et les collectivités territoriales, mais de reconnaître, factuellement, que le premier et les secondes suivent des logiques comptables totalement différentes.

Je le répète : l'État peut choisir le montant de ses recettes à sa guise. Aujourd'hui, vous procédez à des coupes dans les dépenses de tous vos ministères, vous décidez de rogner sur telle ou telle politique publique, aux dépens de celles et de ceux qui en ont le plus besoin : c'est un choix politique. Mais les collectivités territoriales, qui, en ce moment même, doivent boucler leur budget, sont tenues de répondre aux besoins de leur population en palliant les défaillances de l'État dans ses plus grandes missions régaliennes. C'est bien pourquoi, depuis sept ans, nous assistons à l'explosion des budgets locaux en matière de santé et de sécurité.

Les collectivités territoriales n'ont pas ce choix-là ; aujourd'hui, vous décidez bel et bien d'en faire des supplétifs pour compenser vos difficultés financières ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDSE et Les Républicains.)

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